Trésorerie nouvelle génération - Gestion des liquidités dans un contexte de hausse des taux

Presque toutes les grandes économies ont ralenti en 2022. Au cours des cinq dernières décennies, la politique monétaire n’a jamais été aussi fortement orientée vers les hausses de taux qu’elle l’a été cette année. La Réserve fédérale et la Banque du Canada ont haussé les taux d’intérêt à six reprises cette année, invoquant la persistance de l’inflation. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive jusqu’au début de 2023.
La façon dont vous gérez vos liquidités pendant cette période est essentielle. Pour de nombreuses entreprises, la hausse des taux d’intérêt et la volatilité des marchés d’intérêt font en sorte qu’il est plus difficile de maximiser la liquidité, de réduire au minimum le risque opérationnel, d’obtenir des rendements optimaux et de garantir des coûts d’emprunt acceptables.
Pour mettre les choses en perspective, Johanna Skoog, première directrice générale et chef, Solutions de trésorerie et de paiement, BMO Marchés des capitaux, États-Unis, a récemment animé une discussion avec deux experts qui ont donné leur point de vue sur l’économie et la gestion des liquidités :
Jennifer Lee, économiste principale à BMO Marchés des capitaux, est connue pour son analyse de l’économie américaine ainsi que des marchés financiers et de l’activité économique en Europe et au Japon.
Benjamin Lambert, premier directeur général et chef, Solutions de liquidité, BMO Marchés des capitaux, possède une grande expertise en matière de collaboration avec les clients pour offrir des solutions de liquidité dans l’ensemble de leurs réserves de fonds de roulement et de leurs fonds stratégiques.
Voici un résumé de leur entretien.
Économie nord-américaine : bonnes et mauvaises nouvelles
Mme Lee a commencé par quelques bonnes nouvelles. Après quatre hausses consécutives de 75 points de base, les banques centrales n’utilisent plus le terme d’« accélération du resserrement », qui implique une série de hausses de taux importantes sur une assez courte période. Dans ce cas-ci, on parle de trois points de pourcentage en un peu plus de six mois. Elle a toutefois rapidement souligné que les hausses de taux ne sont pas terminées et que les taux resteront élevés pendant un certain temps.
« Aux États-Unis, nous allons probablement composer avec un taux des fonds fédéraux de l’ordre de 4,75 % à 5 % pendant environ un an », a déclaré Mme Lee. Cela s’explique par le fait que l’économie américaine, même après avoir connu des hausses de taux totalisant 375 points de base, demeure très résiliente.
En plus des résultats plus solides que prévu au troisième trimestre concernant le PIB des États-Unis et les gains au chapitre des dépenses de consommation, le resserrement persistant du marché du travail a entraîné jusqu’à présent une légère récession. Selon l’enquête d’octobre sur les possibilités d’emploi et le taux de roulement de la main-d’œuvre (Job Openings and Labor Turnover Survey), il y a près de deux possibilités d’emploi pour pratiquement chaque travailleur sans emploi. Par ailleurs, le Canada a atteint un record de près d’un million de postes vacants au deuxième trimestre de 2022. « D’ici là, nous continuerons probablement à observer des pressions sur les salaires », a affirmé Mme Lee. « Et cela, en retour, nécessiterait une pression à la hausse sur l’inflation. »
Mme Lee a indiqué que BMO s’attend à ce que le PIB réel des États-Unis augmente à un taux annuel de 1,9 % en 2022. Elle a ajouté que BMO a fait passer ses prévisions sur le taux de croissance du PIB du Canada de 3,3 % à 3,5 %. BMO s’attend à ce que les deux pays connaissent un repli au premier semestre de 2023, suivi d’une modeste reprise au deuxième semestre, ce qui se traduira par une croissance nette nulle. Selon Mme Lee, les États-Unis et le Canada devraient tous deux rebondir avec une croissance d’environ 1,5 % en 2024.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour les banques centrales nord-américaines? BMO s’attend à ce que la Réserve fédérale augmente ses taux de 100 points de base (pdb) supplémentaires au cours des trois prochaines réunions, soit 50 pdb en décembre et 25 pdb supplémentaires en février et en mars, ce qui se traduirait par un taux des fonds fédéraux se situant entre 4,75 % et 5 %. En ce qui concerne la Banque du Canada, Mme Lee a déclaré que BMO s’attend à deux autres hausses de taux d’ici janvier, pour un total de 75 pdb.
« N’oubliez pas qu’un rythme plus lent de hausses de taux ne signifie pas une réduction », a mentionné Mme Lee. « Cela signifie une hausse de 50 pdb au lieu de 75, ou de 25 au lieu de 50. Mais si la croissance économique est plus faible, si la croissance de l’emploi est plus faible et si les dépenses sont moins élevées, cela contribuera à la décision de ralentir un peu [les hausses de taux]. C’est ce qui rend toute cette situation si unique : les mauvaises nouvelles sont bonnes, les bonnes nouvelles sont mauvaises, et malheureusement, c’est la façon dont le monde fonctionne de nos jours. »
Retour aux principes fondamentaux de la gestion des liquidités
Les entreprises tentent de comprendre les conditions extrêmes décrites par MmeLee. Cela a entraîné beaucoup de prudence et d’incertitude, ainsi que ce que M. Lambert a décrit comme un « essoufflement des hausses de taux ».
« D’un côté, nous avons des clients qui analysent toutes les données économiques et les points de discussion de la Réserve fédérale et qui jonglent avec les commentaires fermes et conciliants qui reviennent jour après jour », a déclaré M. Lambert. « D’un autre côté, certains de nos clients essaient encore de comprendre tout cela et ne savent toujours pas quoi faire avec leur argent. »
M. Lambert a indiqué que le moment était venu de revenir aux principes fondamentaux de l’examen des stratégies de gestion des liquidités. « Nous devons revenir à l’ancienne pratique d’analyse des flux de trésorerie, en évaluant d’où ils proviennent et où ils doivent aller. »
Cela signifie séparer les liquidités en trois catégories :
Fonds d’exploitation : votre fonds de roulement quotidien auquel vous avez un accès immédiat, pour les paiements, la paie, etc.
Fonds de réserve : fonds utilisés pour effectuer des paiements futurs réguliers dans un délai d’un à six mois, comme les paiements d’impôts fonciers, les paiements de dividendes, les remboursements de dettes et les versements de primes.
Fonds stratégique : liquidités à long terme (plus de six mois) rarement utilisées. Il s’agit des fonds mis de côté pour des événements majeurs, comme des acquisitions ou des dépenses en immobilisations importantes.
Dans le contexte précédent de faibles taux d’intérêt, les entreprises n’avaient pas besoin d’être aussi disciplinées. « Pourquoi faire fructifier les liquidités alors que les taux sont proches de zéro? », a affirmé M. Lambert. « Maintenant que le contexte a changé et qu’il y a de la valeur à saisir, nous devons revenir à cette pratique et réaffecter les liquidités aux différentes catégories afin de déterminer la catégorie que l’on pourrait faire fructifier et celle qui doit être conservée pour s’assurer que l’on a un fonds de roulement quotidien. »
M. Lambert a également souligné l’importance d’être suffisamment flexible pour ajuster votre politique de placement au besoin. « Le message est de rester agile, de rechercher la valeur et de l’adapter à vos besoins en liquidités, à votre appétit pour le rendement et à votre appétit pour le risque », a-t-il dit.
Vous pouvez écouter l’entretien complet ici.
Le balado Markets Plus est accessible en direct sur tous les principaux réseaux (en anglais), y compris Apple and Spotify.