La politique tarifaire des États-Unis n’a pour l’heure pas encore touché les consommateurs, mais la préoccupation actuelle porte sur la plus grande incertitude économique que crée la politique commerciale.


C’était l’un des nombreux points à retenir de l’allocution d’Ernie Tedeschi, directeur des études économiques, The Budget Lab at Yale University, à l’occasion de notre 20e Conférence annuelle sur les produits agricoles et les produits chimiques à New York. Ernie Tedeschi a déclaré que, même si les tarifs douaniers et la volatilité des marchés peuvent compliquer la prise de décisions pour certaines entreprises, il est peu probable que cela entraîne une récession cette année.  




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Incidence à long terme de la tarification douanière


Bien que la décision des États-Unis de suspendre la plupart de ses tarifs de rétorsion en ait stoppé les effets sur les données clés, comme l’inflation, Ernie Tedeschi a indiqué que la totalité des répercussions pourrait ajouter jusqu’à 1,7 point de pourcentage à la cible d’inflation de 2 % de la Réserve fédérale.


L’augmentation des prix proviendra de la répercussion partielle sur les consommateurs des coûts supplémentaires supportés par les entreprises. « Même si la répercussion sur les consommateurs ne sera pas totale, elle sera néanmoins substantielle », a déclaré Ernie Tedeschi, ancien économiste en chef du Conseil des conseillers économiques de la Maison-Blanche et ancien directeur général et responsable de l’analyse budgétaire chez Evercore ISI.


Il a précisé que l’incidence des tarifs douaniers pourrait représenter une perte de pouvoir d’achat équivalant à environ 2 800 $ par année pour un ménage moyen, bien que cela varie selon les ménages.


À l’échelle mondiale, les tarifs américains pourraient faire baisser le PIB de la Chine de 0,3 % à long terme, les États-Unis connaissant une baisse semblable. C’est le Canada qui « est le plus durement touché », a-t-il dit, en soulignant que le PIB pourrait chuter de 2,3 % à long terme en raison de sa dépendance à l’égard de l’économie américaine.


Marge de négociation


À ce sujet : Ernie Tedeschi a souligné que les récents accords commerciaux bilatéraux avec le Royaume-Uni et la Chine sont remarquables, car ils montrent que les futures négociations commerciales pourront être personnalisées en fonction des partenaires.


Chaque pays aborde les discussions différemment, a-t-il dit. « La Chine adopte une approche très différente de celle du Canada, du Mexique et du Royaume-Uni dans les discussions avec les États-Unis », a-t-il expliqué. « La Chine ne cherche pas les solutions de facilité, les avantages immédiats [ou] la conclusion d’accords avec les États-Unis; elle semble très attachée à suivre les contours de la diplomatie conventionnelle et des paramètres établis pour parvenir à des accords commerciaux, et cela prend beaucoup de temps. » Espérons que cela mènera à une relation plus stable, a-t-il ajouté.


Quand les tarifs douaniers s’invitent à table


Lors d’une période de questions après son allocution, Ernie Tedeschi a évoqué les perspectives actuelles concernant les tarifs douaniers et leur incidence sur la croissance économique, en particulier dans les secteurs alimentaire, de la consommation et du commerce de détail.


Ernie Tedeschi a déclaré que les biens périssables, comme les produits frais, subiront probablement les effets des tarifs en premier, car ils ne peuvent pas être conservés dans les stocks pendant longtemps. Les biens qui peuvent être stockés plus longtemps, comme l’alcool et les produits en conserve, pourraient subir des hausses de prix dans un délai d’un à deux mois. « Les détaillants préfèrent écouler d’abord leurs stocks existants, avant d’entamer ceux touchés par les droits de douane », explique-t-il. Le prix des biens d’équipement domestiques, comme l’électroménager, pourrait ne pas augmenter avant trois ou quatre mois.


Il a déclaré que le secteur agricole, y compris les fabricants d’aliments bruts et emballés ainsi que les fabricants de produits alimentaires, devra probablement répercuter les hausses de prix sur les articles vendus dans les épiceries et les restaurants. Lors de son allocution, Ernie Tedeschi a indiqué que les prix alimentaires pourraient augmenter de 2,3 % et rester à ce niveau pendant une longue période.


Un coup de pouce pour les marques à bas prix


Dans un contexte de hausse des prix, les consommateurs ont tendance à rechercher des produits moins coûteux. Cela pourrait profiter aux marques de distributeurs, a expliqué Ernie Tedeschi. Ce qui est notable, c’est que ces marques, qui ont connu une croissance pendant la pandémie, pourraient attirer les consommateurs à long terme, car leur qualité s’est améliorée ces dernières années.


« Les consommateurs qui se sont tournés vers les marques de distributeurs pendant la pandémie sont beaucoup plus enclins à y rester fidèles, même en cas de baisse des prix et de hausse de leurs revenus. Et au bout du compte, cela pourrait perdurer », a ajouté Ernie Tedeschi, qui est également consultant auprès de Nielsen.


Les biens chinois sont les plus touchés


Les secteurs qui, selon Ernie Tedeschi, pourraient être les plus durement touchés par les tarifs douaniers jusqu’à présent sont ceux qui sont exposés à la Chine. Un récent rapport du Budget Lab de Yale montre que les tarifs de 2025 affectent de manière disproportionnée les vêtements et textiles, les consommateurs faisant face à des prix plus élevés pour les chaussures et l’habillement à court terme. Selon le rapport, les prix des chaussures et de l’habillement pourraient demeurer respectivement plus élevés de 19 % et 16 % à long terme.


De plus, les tarifs pourraient stimuler le secteur manufacturier américain. À long terme, les recherches d’Ernie Tedeschi donnent à penser que la production manufacturière américaine pourrait progresser de 1,5 % grâce à ces tarifs. Ernie Tedeschi a affirmé que sa modélisation montre qu’un tarif douanier universel de 10 % entraînerait une baisse de 20 points de base du PIB américain cette année, ce qu’il a qualifié de « vent contraire annuel normal », et rendrait peu probable une récession.


« Ce n’est pas que 20 points de base ne représentent rien – cela équivaut à environ 60 milliards de dollars américains d’activité économique en moins », a-t-il précisé. « Mais nous sommes maintenant dans un territoire qui, selon moi, est beaucoup plus gérable pour les entreprises et les consommateurs. »